Ateliers thématiques

Ateliers thématiques

1 - Tables-rondes de développement professionnel

Kathryne Fontaine1

1Collège militaire royal du Canada

À noter : La participation à cet atelier n’empêche pas les membres de présenter une communication dans un autre atelier

Nous voulons proposer des rencontres tables-rondes axées sur le développement professionnel qui se dérouleront tout au long du colloque 2025. Ces rencontres visent à créer une opportunité d'échanges entre chercheur·e·s et praticien·ne·s de l'enseignement universitaire de la littérature et de la langue françaises. Notre objectif est de réfléchir ensemble aux défis actuels et de partager des expériences.

Comment revitaliser l’enseignement de la littérature dans nos universités? Quelles méthodes, approches, et textes se prêtent le mieux à l'atteinte de nos objectifs ? Qu'est-ce qui plaît aux étudiant·e·s (ou déplaît) ? Comment les objectifs de l'enseignement de la littérature ont-ils évolué depuis que cette discipline s'est constituée en tant que discipline universitaire ? Quelles initiatives ont porté fruit ? Comment enseigner tel ou tel classique de nos jours, pourquoi, et avec quels outils ? Quelles œuvres se prêtent mieux aux clientèles spécifiques de nos départements ? Comment concilier les principes qui sous-tendent un enseignement de qualité avec les contraintes administratives ? Comment pouvons-nous créer une meilleure synergie entre la recherche, la publication, et la facilitation des apprentissages auprès de nos étudiant·e·s? Que faire, d’un point de vue pédagogique, des nouveaux développements en intelligences artificielles génératrices de contenu?

Les interventions retenues seront regroupées par thèmes, et chaque thème fera l’objet d’une séance différente, qui prendra la forme d’une table-ronde. Chaque participant·e aura l'opportunité de présenter en 10 minutes son point de vue sur une question ou une problématique spécifique en lien avec l'enseignement universitaire de la littérature et de la langue françaises. Les partages d’expériences pédagogiques sont les bienvenus. Ces présentations seront suivies d'une discussion interactive avec l'auditoire. Cette fusion entre les tables-rondes et les ateliers de développement professionnel vise à stimuler des échanges enrichissants et à favoriser la réflexion collective sur des sujets d'importance tout en renforçant les compétences professionnelles des membres de l’APFUCC.

Les sujets possibles incluent, mais ne sont pas limités à :

- L’évolution de l'enseignement de la littérature à l'ère numérique ;

- Les approches pédagogiques innovantes pour l'enseignement de la grammaire et de la syntaxe ;

- L'utilisation des médias sociaux dans l'enseignement de la littérature et de la langue ;

- L'impact de la diversité culturelle sur l'enseignement de la littérature française ;

- L'enseignement de la littérature comparée et interculturelle ;

- Les défis de l'enseignement de la littérature classique et contemporaine ;

- La place de la traduction littéraire dans l'enseignement de la langue française ;

- L'enseignement de la linguistique et de la sociolinguistique dans le contexte de la littérature française ;

- Les liens entre l'enseignement de la langue française et la didactique des langues ;

- L'impact des approches interdisciplinaires sur l'enseignement de la littérature ;

- Les méthodes d'évaluation de l'apprentissage en littérature et en langue française ;

- L'enseignement de la poésie et de la prose ;

- Les enjeux de l'enseignement de la littérature francophone ;

- La formation des enseignant·e·s de littérature et de langue française ;

- Les perspectives de genre dans l'enseignement de la littérature et de la langue ;

- Les initiatives hors classe : artiste en résidence, publications étudiantes, soirées littéraires, sorties...;

- La place de l’histoire littéraire dans l’enseignement ;

- Les médias de masse, la sous-littérature, la paralittérature ;

- L’éducation sentimentale par la littérature ;

- La littérature comme instrument d’ouverture sur l’altérité/comme expérience de l’altérité

- La littérature et le monde / la littérature et l’actualité ;

- Le mouvement des « Cultural studies » ;

- Point de vue étudiant (les étudiant.e.s de premier, deuxième et troisième cycles qui voudraient contribuer par une réflexion, la description d’une expérience, des propositions, sont les bienvenu.e.s, seul.e.s ou avec leur professeur.e).

Nous encourageons la diversité des perspectives et des approches dans vos propositions, et nous espérons que cet atelier contribuera à stimuler des discussions constructives sur l'avenir de l'enseignement de la littérature.


2 - L’intermédialité au Canada francophone

Marie Pascal1

1UPEI

L'intermédialité est le champ critique dédié à lever le voile sur les dialogues entretenus par différents médiums à l’intérieur d’une même œuvre ou entre plusieurs œuvres. Dans la lignée des efforts menés par Baroni (2017), Cellard et Lambert (2018), Dudemaine, Marcoux et St-Amand (2020), Gaudreault et Marion (1998), Hébert, Andrès et Gagnon (2020), Middeke, Rippl et Zapf (2015), Ryan (2004) et Strauman (2015), cet atelier propose d’amener à penser l’intermédialité telle qu’elle est représentée au Canada francophone, non seulement au Québec, mais aussi dans les communautés francophones en contexte minoritaire, et en incluant les personnes issues de l’immigration ainsi que le corpus autochtone en français.

Depuis sa création, la revue Transcr(é)ation a publié plusieurs dossiers portant sur les points d’intersection entre bande-dessinée et cinéma (vol. 2), série et littérature (vol. 3), peinture et cinéma (vol. 5), et prépare actuellement deux dossiers réfléchissant à la diversité des pratiques d’animation. L’intermédialité touche cependant un panel de médiums beaucoup plus important que ce qui y a été représenté par la revue, soit non seulement les échanges nombreux entre le cinéma, la littérature et le théâtre, ainsi que les médiums composites comme la bande dessinée, mais aussi ceux qui mettent en regard la peinture, le conte oral, la sculpture, le spectacle vivant, la mosaïque, la photographie, la danse, etc. De la sorte, la bédéiste Obomsawin adapte J’aime les filles (2016) en court-métrage animé ; l’artiste québécoise d’origine haïtienne Martine Chartrand met à l’honneur la technique de la peinture sur verre (voir notamment MacPhersen, adaptation d’une chanson et de la biographie de Félix Leclerc [2012]) ; et Patrick Bouchard revisite le genre de l’animation en volume (voir Les ramoneurs cérébraux [2003]). À travers ces œuvres, un lien intime est créé entre les médiums, ce qui est à l'origine d’une facture aussi originale que stimulante.

À travers cet atelier, nous aimerions participer au décloisonnement de la recherche entre les différents arts produits depuis ou en lien avec le Canada francophone. Seront à cet égard les bienvenues des réflexions s’intéressant aux productions nées d’un métissage culturel ou créées par des personnes nouvellement arrivées au Canada. Nous souhaitons également promouvoir la recherche portant sur les régions et cultures où le français se trouve en contexte minoritaire ainsi que toute réflexion s’intéressant aux productions autochtones. Nous aimerions finalement offrir un espace permettant aux artistes de mettre en avant leurs pratiques intermédiales et explorer ce que le dialogue entre les disciplines apporte, d’après elles et eux, à leur travail.

Propositions de pistes de réflexion :

- Étude de cas (corpus d’artiste, œuvre en synchronie ou diachronie)

- Réflexion dédiée à un corpus particulier (autochtone, franco-manitobain, franco-ontarien, personnes francophones nouvellement arrivées au Canada, Québécois, etc.)

- Étude théorique d’une ou de plusieurs pratique(s) intermédiale(s) dans une liste non-exhaustive : peinture / photographie / danse / musique / animation / marionnette / etc.

- Témoignages et réflexions d’artistes sur leurs pratiques intermédiales

Références bibliographiques :

Indigenous Filmmaking at the NFB: An Overview, 2017, Montréal : National Film Board of Canada.

Armstrong, Jeannette ; Jeannotte, Marie-Hélène ; Lamy, Jonathan ; Pelletier, Jean-Pierre ; Picard-Sioui, Louis-Karl ; St-Amand, Isabelle, Nous sommes des histoires : Réflexions sur la littérature autochtone, 2018, Montréal : Mémoire d'encrier.

Baroni, Raphaël, « Pour une narratologie transmédiale », Poétique, vol. 2, n°182, 2017, pp. 155-175.

Bernd, Zilá ; Imbert, Patrick ; Olivieri-Godet, Rita, Espaces et littératures des Amériques : Mutation, complémentarité, partage, 2018, Québec : Les Presses de l’Université Laval.

Bertrand, Karine, « Auto-histoires et représentations communautaires dans le cinéma des femmes autochtones », Canadian Journal of Film Studies/Revue Canadienne d’Études Cinématographiques, vol. 29, n°1, printemps 2020, pp. 69-89.

Biron, Michel ; Dumont, François ; Nardout-Lafarge, Élisabeth, Histoire de la littérature québécoise, 2007, Montréal : Boréal.

Brun del Re, Ariane ; Kirouac Massicotte, Isabelle ; Simard, Mathieu (dir.), L’espace-temps dans les littératures périphériques du Canada, Québec : Éditions David, 2018.

Cellard, Karine ; Lambert, Vincent, Espaces critiques. Écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960), 2018, Québec : Les Presses de l’Université Laval.

Chartier, Daniel, Le guide de la culture au Québec : Littérature, cinéma, essais, revues, 2004, Québec : Éditions Nota Bene.

Côte, Jean-François ; Cyr, Claudine, La renaissance des cultures autochtones : Enjeux et défis de la reconnaissance, 2019, Baltimore : Projet Muse.

Dudemaine, André ; Marcoux, Gabrielle ; St-Amand, Isabelle, « Cinémas et médias autochtones dans les Amériques : Récits, communautés et souverainetés », Canadian Journal of Film Studies/Revue Canadienne d’Études Cinématographiques, vol. 29, n°1, printemps 2020, pp. 27-51.

Duvicq, Nelly, Histoire de la littérature inuite du Nunavik, 2019, Québec : Presses de l’Université de Québec.

Gagnon, François, « Histoire de l’adaptation filmique », Cinéma et Littératures au Québec : Rencontres médiatiques, Michel Larouche (dir.), 2003, Montréal : XYZ Éditeur, pp. 151-188.

Gaudreault, André ; Marion, Philippe, « Transécriture et médiatique narrative : l’enjeu de l’intermédialité », La Transécriture - Pour une théorie de l’adaptation, André Gaudreault ; Thierry Groensteen (dir.), 1998, Québec : Éditions Nota Bene, pp. 31- 52.

Gervais, Gaétan ; Pichette, Jean-Pierre (dir.), Dictionnaire des écrits de l’Ontario français : 1613-1993, 2011, Ottawa : Presses de l’Université d’Ottawa.

Guénette, Jérôme, Des études sur la littérature autochtone d’hier et d’aujourd’hui : Des textes sur Simon Harel, Erika Soucy, Sylvie Drapeau et Natasha Kanapé Fontaine, 2017, Montréal : Grénoc.

Hébert, Pierre ; Andrès, Bernard ; Gagnon, Alex (dir.), Atlas littéraire du Québec, 2020, Montréal : Fides.

Huberman, Isabella, Histoires souveraines - Poétiques du personnel dans les littératures autochtones au Québec, 2023, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Middeke, Martin ; Rippl, Gabriele; Zapf, Hubert (dir.), Handbook of Intermediality, Vol. 1 - Literature, Image, Sound, Music, 2015; Berlin : De Gruyer Ed.

Moisan, Clément ; Hildebrand, Renate, Ces étrangers du dedans : Une histoire de l’écriture migrante au Québec (1937-1997), 2001, Québec : Éditions Nota Bene.

Ouellet, Josianne, « L’adaptation cinématographique québécoise depuis Séraphin. Un homme et son péché : Résurgence d’un phénomène cyclique ou exploration de nouvelles voies ? », Littérature et cinéma au Québec (1995-2005), Carla Fratta ; Jean-François Plamondon (dir.), 2008, Bologna : Pendragon, pp. 93-111.

Ravary-Pilon, Julie, Femmes, Nation et Nature dans le cinéma québécois, 2018, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Ryan, Marie-Laure, Narrative Across Media: The Languages of Storytelling, 2004, Lincoln : University of Nebraska Press.

Saint-Pierre, Marie-Josée, Femmes et cinéma d’animation : Un corpus féministe à l’Office National du Film du Canada 1939-1989, 2022, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Santoro, Miléna, « The Rise of First Nation’s Fiction Films: Shelley Niro, Jeff Barnaby, and Yves Sioui Durand », American Review of Canadian Studies, vol. 43, n°2, 2013, pp. 267-282.

Straumann, Barbara, « Adaptation - Remediation - Transmediality », Handbook of Intermediality, Vol. 1 - Literature, Image, Sound, Music, 2015, Berlin : De Gruyer Ed., pp. 249-267.

Tremblay, Emmanuelle, L’Invention de l'appartenance : La littérature québécoise en mal d'autochtonie, 2018, Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Viau, Michel, BDQ, répertoire des publications de bandes dessinées au Québec des origines à nos jours, 2000, Laval : Éditions Mille-Îles.



3 - Care ou anticare dans la littérature gaie contemporaine

atelier fusionné avec l’atelier 8

Guillaume Girard1, Étienne Bergeron2

1SFU, 2UQAM

Selon Alexandre Gefen dans Réparer le monde (2017, quatrième de couverture), « [s]auver, guérir ou du moins faire du bien, tels sont les mots d’ordre, souvent explicites, placés au cœur des projets littéraires contemporains ». Si une telle affirmation s’avère souvent juste, notamment chez des écrivaines lesbiennes comme Marie-Claire Blais, Nicole Brossard et Nina Bouraoui, où le care semble davantage reconnu, qu’en est-il de la littérature gaie en particulier ? En effet, à bien des égards, les écrivains gais ne conçoivent pas toujours le care comme on pourrait s’y attendre, soit comme les nombreuses variations du mot anglais le laissent entendre : « Comme verbe d’action, to care pourrait vouloir dire préférer quelque chose, se sentir concerné ou avoir du souci ; care to : avoir envie de ; to care about : donner l’attention, aimer ; to take care : soigner ; to care for : éprouver de l’affection, de l’attachement ou de l’amour. Son substantif signifie tout à la fois l’inquiétude, la responsabilité, la précaution, le problème pris en main […]. » (Carrière, 2016 : 205-206) Est-ce à dire que la littérature gaie serait pour autant privée de care ? Ou, plutôt, serait-elle l’expression d’un care insoupçonné, alternatif, queer ? Faut-il redéfinir le care pour arriver à le percevoir dans la littérature gaie ? Le care est-il là où on le cherche ou s’exprime-t-il plutôt d’une façon différente dans les productions littéraires des hommes gais, dans le sens où il prendrait là une forme inattendue qui, à la première lecture, ne s’apparenterait pas à une éthique ou à une politique du care telle qu’elle a été conceptualisée par des féministes comme Carol Gilligan (Une voix différente, 1982) et Joan Tronto (Un monde vulnérable, 2009) ?

En littérature québécoise, par exemple, Simon Boulerice est l’un des rares écrivains gais à créer autour d’une conception plus traditionnelle du care axée sur les bons sentiments ; tous ses livres, d’une manière ou d’une autre, cherchent à apaiser, à réparer, à transformer positivement. À l’inverse, chez des écrivains comme Antoine Charbonneau-Demers, Gabriel Cholette, Nicholas Giguère, Guillaume Lambert, Mathieu Leroux, Éric Noël ou Juan Joseph Ollu, on a affaire à des personnages qui embrassent leur abjection en cherchant le plus souvent à « reconnaître l’existence du plaisir [qu’ils peuvent] prendre à être plus bas que terre, à être vils, hors-la-loi, à trahir à la fois [leurs] propres valeurs et celles de ceux qui [les] entourent. » (Halperin, 2010 : 72) On a alors l’impression que, comme l’écrit Arthur Dreyfus dans son Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui, ces personnages considèrent « le sexe (ou l’obsession sexuelle) […] comme […] une dissipation de l’angoisse d’être au monde. » (2021 : 784)

Est-ce que ces formes de prise de risque et d’annihilation temporaire ne seraient pas aussi du care, une façon de s’entraider dans le but de trouver l’apaisement en se défaisant respectivement de son moi social normatif ? En effet, malgré l’intolérance et le rejet qui s’y manifestent parfois, peut-on vraiment dire que le care est absent des bars et des saunas, par exemple, ces lieux hétérotopiques où les personnages se défont de leur identité pour se reconnecter à leur subjectivité queer et à leur corps de sensations (une porosité qui est souvent accentuée par la consommation de drogues et l’échange de fluides) ? N’y a-t-il pas aussi une forme de care dans cet être-ensemble impersonnel que João Florêncio nomme « the ethics of becoming-pig », soit « [a] life-affirming [...] sexual ethics [...] [that] often involve practices of care and communion » (2020 : 159) ? Serait-ce donc dire que le care queer n’est pas conditionnel à une conception identitaire de la communauté, mais plutôt à une expérience alternative de communion (Caron, 2015 : 194-195) ?

Par cet atelier, nous vous convions à explorer les différentes manifestations de ce qu’on pourrait considérer comme du care dans la littérature gaie contemporaine. Vos communications pourraient dès lors aborder les sujets suivants :

· Le care queer comme résistance à la normativité

· Care, sexualité et subjectivité gaie

· Les lieux hétérotopiques comme espaces de care

· Care et prise de risque/autodestruction

· Care et désidentité

· Care et pratiques ascétiques

· Care et abjection

· Care et chemsex

· Care et communion

· Redéfinition des frontières entre bienveillance et malveillance dans la littérature gaie

· Les frontières du care dans les relations intimes et sexuelles

· Le care et la vulnérabilité

BIBLIOGRAPHIE

Brugère, Fabienne, L’éthique du « care », Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2014 [2011].

Caron, David, Marais gay, Marais juif. Pour une théorie queer de la communauté, Paris, EPEL, 2015 [2009].

Carrière, Marie, « Mémoire du care, féminisme en mémoire », Women in French Studies, dans Dawn M. Cornelio, Margot Irvine et Karin Schwerdtner (dir.) « Femmes et mémoire. Women in French Studies: Select Essays from Women in French International Conference (2015) », p. 205-217, 2016.

Florêncio, João, Bareback Porn, Porous Masculinities, Queer Futures. The Ethics of Becoming-Pig, New York, Routledge, 2020.

Garrau, Marie, Care et attention, Paris, PUF, coll. « Care Studies », 2014.

Garrau, Marie, et Alice Le Goff, Care, justice et dépendance. Introduction aux théories du Care, Paris, PUF, coll. « Philosophies », 2010.

Gefen, Alexandre, Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle, Éditions Corti, 2017.

Gilligan, Carol, Une voix différente. Pour une éthique du care, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais », 2008 [1982].

Halperin, David, Que veulent les gays ? Essai sur le sexe, le risque et la subjectivité, Paris, Éditions Amsterdam, 2010 [2007].

Le Goff, Alice, Care et démocratie radicale, Paris, PUF, coll. « Care Studies », 2013.

Molinier, Pascale, Sandra Laugier, et Patricia Paperman, Qu’est-ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Paris, Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot », 2009.

Paperman, Patricia, Care et sentiments, Paris, PUF, coll. « Care Studies », 2013.

Petit, Emmanuel, L’économie du care, Paris, PUF, coll. « Care Studies », 2013.

Ricot, Jacques, Du bon usage de la compassion, Paris, PUF, coll. « Care Studies », 2013.

Tronto, Joan, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, La Découverte, 2009.

Tronto, Joan, Le risque ou le care ?, Paris, PUF, coll. « Care Studies », 2012.



4 - Femmes voyageuses occidentales francophones dans les empires coloniaux (1800-1980)

Soundouss El Kettani1, François-Emmanuël Boucher1

1Collège militaire royal du Canada

L’ampleur prise par les voyages au XIXe siècle est bien connue. Les moyens de transport deviennent plus rapides et couvrent des régions autrefois difficiles d’accès. Les guides de voyages apparaissent et se font de plus en plus nombreux à l’exemple de la Bibliothèque des chemins de fer remplacée assez vite par les fameux Guides Joanne. Les relations de voyage pullulent et donnent naissance à de nouveaux voyageurs. L’Orient est une destination de choix, soutenue tôt dans le siècle par le développement de trajets maritimes grâce à la nouvelle Compagnie marseillaise constituée en 1834, puis par les nouveaux trajets de L’Orient Express à partir de 1883.

Les voyageurs français et francophones en Orient sont nombreux. Les récits, notes et souvenirs de voyages se multiplient, certains plus connus que d’autres, ceux de Chateaubriand étant la matrice par excellence des itinéraires des voyageurs ultérieurs. Les dix-neuviémistes connaissent également tous le voyage de Flaubert et de Maxime Du Camp, le Voyage en Orient de Lamartine, les voyages de Nerval, de Gautier ou de Loti. Certains, certaines surtout, ont eu droit à une postérité beaucoup plus timide. Les deux rencontres conjointes tenues dans le cadre des colloques de l’Association des professeur.e.s de français des universités et collèges du Canada (APFUCC) et de l’Association canadienne des études francophones du XIXe siècles (ACEF 19) en 2021 (L’« Orient » des voyageuses du XIXe siècle. Une autre définition de l’altérité, https://apfucc.net/wp-content/uploads/2020/09/Liste-de-tous-les-ateliers-proposes-pour-2021-APFUCC.pdf) et en 2022 (La civilisation ottomane dans les récits des voyageuses occidentales au XIXe siècle. Modernisation, transformation, européanisation, laïcisation ou déclin?, https://apfucc.net/wp-content/uploads/2022/08/colloque-2022-virtuel.pdf) visaient justement à combler de nombreuses lacunes sur les récits de voyageuses trop souvent oubliés ou trop peu commentés.

Ce prochain atelier se veut une continuation de la réflexion sur les récits de voyage au féminin. Le corpus visé s’ouvre désormais sur une période plus longue et sur une question plus large soit la manière dont les femmes ont relaté leur expérience de voyage à l’époque où la domination européenne s’exerçait sur une vaste partie du globe. Colonisation au XIXe siècle et décolonisation au XXe siècle sont au centre de la réflexion. Cette ouverture temporelle permettra d’observer plus nettement l’évolution du regard féminin sur ces contrées « étranges » et « exotiques » et le lien de cette évolution sur près de deux siècles. Autant le progrès de l’industrialisation et ses divers mythes propres au XIXe siècle que les deux guerres mondiales et les horreurs du colonialisme qui dominent le XXe siècle, transforment le monde à la fois des colonisateurs et des colonisés. Est-ce que les voyageuses du XXesiècle s’avèreront plus ouvertes à la culture de l’Autre que leurs prédécesseures? Est-ce que les deux guerres mondiales rendront les femmes voyageuses plus critiques de l’impérialisme occidental tel qu’il se manifeste sur des territoires lointains? Une autre question à explorer est celle de la filiation. Les textes féminins du XXe s’appuient-ils sur ceux des voyageuses qui ont tracé la voie au XIXe siècle? Existe-il une tradition de récits de voyage au féminin, un nombre de récits à lire, de récits incontournables, qui s’imposent pendant la longue période coloniale européenne? Quelle transformation s’opère-t-elle entre le XIXe et le XXe siècle? Pour reprendre les mots de Natasha Ueckman, est-ce que véritablement « la littérature du désert [va] se substituer à la littérature orientaliste[1] »? Comment aussi les discours universitaires modernes, comme ceux de l’ethnologie, qui remettent en cause autant leurs anciennes méthodes que nombre de leurs axiomes, influencent-ils le regard de ces femmes voyageuses? Plusieurs voies de questionnement s’ouvrent avec cet élargissement significatif qui nous mène jusqu’à la fin des grandes colonisations.

Partir du début du XIXe siècle pour aller vers le XXe siècle permet de continuer à inclure dans notre corpus, entre autres, Isabelle Eberhardt, Cristina Belgiojoso, Jeanne Bellonie Bourdaret et de voir comment elles passent le flambeau à Aline De Lens, Henriette Célarié, Mathilde Zeys, Marcelle Tinayre, Ella Maillart, Odette de Puigaudeau et toutes les autres que l’atelier nous permettra de découvrir.

Axes proposés (liste non exhaustive) :

-Regards féminins sur la colonisation en marche;

-Écrits francophones au féminin sur les territoires et sociétés colonisés par les grandes puissances occidentales ;

-L’Orient des femmes sur la longue durée : les Orientaux, les Orientales, les territoires, les paysages, le bâti, le vêtement, les politiques, les modes de vie, les religions ;

- Désillusions, scandales et horreur de l’Empire colonial visité ;

- L’érudition au féminin chez des peuples sans histoire ;

- Analyse d’une auteure, d’une photographe, d’une peintre, d’une cinéaste en terre coloniale ;

- La question de l’altérité en contexte colonial ;

- La question de l’identité en contexte colonial ;

- La question de la violence en contexte colonial ;

- L’écriture des Empires coloniaux entre centre et périphérie ;

- La décolonisation vue par les femmes ;

- Les modes de transport du voyage féminin ;

- Le genre choisi : le journal, l’article de journal, le récit de voyage, le roman, la nouvelle, l’essai (scientifique, politique, ethnologique, etc.), la poésie, etc.

Bibliographie

Berty, Valérie, Littérature et voyage : un essai de typologie narrative des récits de voyage français au XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2001.

Bhabha, Homi K., Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot, 2007.

Bouvet, Rachel, Pages de sable. Essai sur l’imaginaire du désert, Montréal, XYZ Éditeur, 2006.

Champion, Renée, « Aperçu sur les voyageuses d’expression française en Orient au XIXe siècle », Agora, Revue d’études littéraires, nº5, (n° spécial Les Voyageuses, dir. Vassiliki Lalagianni), 2003.

Cohen, Getzel M. et Joukowsky, Martha Sharp (ed.), Breaking Ground: Pioneering Women Archaeologists, Ann Harbor, University of Michigan Press, 2004.

Ernot, Isabelle, « Voyageuses occidentales et impérialisme : l’Orient à la croisée des représentations (XIXe siècle) », Genre & Histoire, nº8, Printemps 2011, http://journals.openedition.org/genrehistoire/1272

Gran-Aymeric, Ève et Jean, Jane Dieulafoy. Une vie d'homme, Paris, Perrin 1991.

Irvine, Margot, Pour suivre un époux. Le récit de voyage au XIXe siècle en France, Montréal, Nota Bene, 2008.

Lalagianni, Vassiliki, « L’orientalisme sans voile », Viatica, nºHS2. https://revues-msh.uca.fr:443/viatica/index.php?id=1039.

Lapeyre, Françoise, Le Roman des voyageuses françaises (1800-1900), Paris, Payot, 2016.

Larochelle, Catherine, « L’Orient comme miroir : les altérités orientale et autochtone dans les récits de voyage des Canadiens français au XIXe siècle », Histoire sociale / Social History, vol. L, no101, Mai 2017, p.69-87.

Monicat, Benedicte, « Pour une bibliographie des récits de voyages au féminin », Romantisme 77.3, 1992, p. 95-100.

------ Itinéraire de l’écriture au féminin. Voyageuses du XIXe siècle, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1996.

Moussa, Sarga, La Relation orientale : enquête sur la communication dans les récits de voyages en Orient (1811-1861), Paris, Klincksieck, 1995.

------ Le voyage en Égypte. Anthologie de voyageurs européens. De Bonaparte à L’occupation anglaise, Paris, Laffont, Coll. « Bouquins », 2004.

Morsy, Magali (dir.), Les Saint-simoniens et l’Orient. Vers la modernité, Aix-en-Provence, Édisud, 1990.

Palmier-Châtelain, Marie-Élise et Lavagne d’Ortigue, Paule, L’Orient des femmes, Lyon, ENS Éditions, 2002.

Pouillon, François (dir.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, IISMM/Karthala, 2008.

Rajotte, Pierre, Le Récit de voyage au XIXe siècle, aux frontières du littéraire, Montréal, Tryptique, 1997.

Reynaert, François, L’Orient mystérieux et autres fadaises, Paris, Fayard, 2013.

Régnier, Philippe, Les Saint-Simoniens en Égypte (1833-1851), préface par Amin Fakhry Abdelnour, Giza-Le Caire, Banque de l’union européenne, 1989

Said, Edward W., L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005.

---------., « Orientalism Reconsidered », Cultural Critique, No. 1, Autumn, 1985, p.89-107.

Ueckmannn, Natasha, Genre et orientalisme. Récits de voyage au féminin en langue française (XIXe-XXe siècles), traduit de l’Allemand par Kaja Antonowicz, Grenoble, UGA Éditions, 2020.

Weber, Anne-Gaëlle, À beau mentir qui vient de loin: savants, voyageurs et romanciers au XIXe siècle, Paris, Honoré Champion, 2004.

Yerasimos, Stéphane, Les voyageurs dans l’Empire ottoman (XIVe-XVIe siècle). Bibliographie, itinéraires et inventaire des lieux habités, Ankara, Türk Tarih Kurumu, 1990.

Zinguer, Ilana (dir.), Miroirs de l’altérité et voyages au Proche-Orient, Genève, Slatkine, 1991.


[1] Natasha Ueckman, Genre et orientalisme. Récits de voyage au féminin en langue française (XIXe-XXe siècles), traduit de l’allemand par Kaja Antonowicz, Grenoble, UGA Éditions, 2020, p.298.



5 - De la table à l’écrit : imaginaire et représentations littéraires de la nourriture

Sanda Badescu1, Juliette Valcke2

1Université de l'Île-du-Prince-Édouard, 2Université Mount Saint Vincent

Les pelletées de moutarde enfournées dans la bouche de Gargantua ; la salle à manger crasseuse du Père Goriot de Balzac ; la recherche du rahat loukoum par le quatrième Roi mage dans Gaspard, Melchior, Balthazar de Michel Tournier ; l’obsession de la nourriture dans La danse juive de Lise Tremblay ; le chocolat vert de M. Omochi dans Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb ou encore le contraste de la traditionnelle pêche à la truite et des guimauves dans Manikanetish de Naomi Fontaine : les exemples d’œuvres littéraires où le monde de la nourriture joue un rôle significatif abondent. De fait, la nourriture est langage et s’affirme en ce sens dans les littératures de toutes les époques et de toutes les cultures.

Cet atelier propose par conséquent d’explorer les nombreuses thématiques liées à la nourriture dans le monde littéraire francophone. La question de la nourriture en tant que marqueur identitaire retiendra ainsi l’attention. En effet, la nourriture de même que les actes de manger et de boire constituent à la fois des besoins fondamentaux et les manifestations d’une diversité basée sur des croyances, des coutumes, des préférences, des choix de tout ordre : ce que l’on mange, comment, où, quand et en quelle compagnie représentent en ce sens des signes. Dans les œuvres littéraires, la description de certains plats ou menus, celles d’activités comme la chasse et la pêche ou encore les représentations de marchés et magasins d’alimentation permettent de fait aux auteurs d’ancrer leurs textes dans la réalité d’une époque ou d’un monde et d’affirmer leurs buts. Il suffit de penser aux œuvres du courant naturaliste ou à celles des minorités et diversités contemporaines autochtones pour s’en convaincre.

La nourriture est liée au corps et aux cinq sens, et avant tout au goût : selon Michel Serres, les termes homo sapiens font même de nous une « bête à saveur » (Michel Serres, Les cinq sens. Philosophie des corps mêlés, Paris, Grasset et Fasquelle, 1985, p. 167). Elle convoque donc le plaisir, mais aussi le déplaisir et même le danger. Les scènes de banquet (Lettres de Madame de Sévigné), d’abus de nourriture (Gargantua), d’empoisonnement (Madame Bovary) ou d’enivrement (L’assommoir) soulignent le rapport ambigu de l’acte de consommer avec le corps.

Le rapport corps/nourriture reflète en outre les modes de pensée des époques de même que la volonté de présenter une idée : à partir du 20e siècle, de pair avec d’autres caractéristiques corporelles comme la maigreur, les modes capillaires ou les piercings, il contribuera graduellement à l’affirmation de la diversité et de l’inclusion. Dans La grosse femme d’à côté est enceinte, Michel Tremblay accole ainsi à l’obésité une valeur positive liée à la figure maternelle et nourricière, tandis que d’autres dénoncent la honte associée à l’obésité et à l’acte de manger : en se cachant pour croquer un morceau de chocolat, la narratrice de L’hiver de pluie, de Lise Tremblay, connaît ainsi un plaisir honteux et solitaire, un plaisir interdit.
La connotation sexuelle de la consommation de nourriture mérite également qu’on s’y attarde. De la sensualité gourmande à la sexualité, il n’y a en effet qu’un pas et nombre d’auteurs n’ont pas attendu Sigmund Freud pour le franchir. Dans la même veine, on pourra s’interroger sur la représentation de la bouche dans les œuvres littéraires, organe qui sert à la fois à parler, embrasser, manger.

Enfin, la nourriture comme déclencheur mémoriel constitue également un topos connu ; si la madeleine de Proust en représente l’archétype, on le retrouve aussi dans diverses œuvres de la francophonie. L’odeur du café, de Dany Laferrière, s’impose en ce sens à l’esprit.

Cet atelier vise ainsi à explorer les diverses représentations des aliments et des breuvages dans le monde littéraire francophone ainsi que toute symbolique liée à l’acte de consommer, de préparer et de partager un repas.

Autres pistes possibles :

. Métaphores et langage alimentaire ou quand on « dévore des yeux » ;

. Autrice et auteurs : différences ou ressemblances dans les représentations de la nourriture ;

. Nourriture et littérature jeunesse : identité, plaisirs et interdits ;

. La figure de l’ogre dans la littérature (ex. Charles Perrault, Amélie Nothomb) ;

. La nourriture comme affirmation autochtone : entre tradition et modernisme ;

. Représentations et symbolique de la chasse et de la pêche ;

. Représentations des corps et nourriture : de la condamnation à l’inclusion ;

. La nourriture et les diktats sociaux : l’étiquette et les bonnes manières à table en littérature ;

. Banquets et spectacles dans la littérature (ex. Madame de Sévigné, « Lettre à Madame de Grignan », 26 avril 1671) ;

. Mère nourricière, lait maternel : la femme, les enfants et la nourriture ;

. Le marché comme lieu de rencontre (ex. Émile Zola, Le ventre de Paris) ;

. La table comme lieu de rencontre, d’amour et de conflit (ex. Nadine Bismuth, Un lien familial) ;

. Famille, partage et nourriture dans les œuvres littéraires ;

. Dérèglements psychologiques liés à la nourriture (ex. Amélie Nothomb, Nelly Arcan) ;

. Diversité, figure de l’Autre et nourriture en littérature ;

. Nourriture et mythologies ;

. Sociabilité, convivialité, partage autour du boire et du manger ;

. Discours narratif : discours lié au boire et au manger ;

. Besoin de manger, besoin d’écrire : parallèles ;

. Faim et soif, manque et désir.

Bibliographie

Antosa, Silvia, Mariaconcetta Costantini, et Emanuela Torre, Transgressive Appetites: Deviant Food Practices in Victorian Literature and Culture, Sesto San Giovanni, Éditions Mimesis, 2021.

Aristote, L’Homme de génie et la mélancolie. Problème XXX.1. Traduction de Jackie Pigeaud, Paris, Petite Bibliothèque Rivages, 1988.

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Batard, Annick, « La nourriture dans la presse généraliste et la littérature françaises contemporaines entre plaisir et déplaisir », dans Des mets et des mots. Actes du Congrès national des sociétés historiques et scientifiques « Se nourrir : pratiques et stratégies alimentaires » (Rennes, 2013), Paris, Éditions du CTHS, 2014. p. 7-16. [En ligne], https://www.persee.fr/doc/acths_1764-7355_2014_act_138_1_2712.

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Rabelais, Gargantua, Paris, Pocket Classiques, 1992.

Scrimieri, Maria Grazia, Représentations de la nourriture dans la littérature italienne contemporaine : Matilde Serao, Natalia Ginzburg, Clara Sereni, Rossana Campo, Thèse de doctorat, Université Côte d’Azur, 2019.

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Sévigné, Mme de, Correspondance, tome 1, Paris, Gallimard, 1972.

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Tawada, Yoko L’Œil nu. Roman. Traduit de l’allemand par Bernard Banoun, Lagrasse, Verdier, 2005.

Tremblay, Lise, La danse juive, Montréal, Leméac, 1999.

Tremblay, Michel, La grosse femme d’à-côté est enceinte, Montréal, Leméac, 1978.

Zola, Émile, L’assommoir, Paris, Livre de poche, 1965.




6 - Les études littéraires environnementales en contexte français et francophone : quelles pratiques pédagogiques ?

Morgane Leray1

1Aix-Marseille Université

Atelier conjoint APFUCC / ACÉF 19e

L’émergence des humanités environnementales dans le champ de la recherche a bougé les lignes de nombreuses disciplines et de leur enseignement. C'est le cas pour les études littéraires, l’écopoétique, la zoopoétique, la géopoétique, la littérature & botanique ou encore la thalassopoétique, or assez rares sont encore les enseignant.e.s qui intègrent ces nouveaux domaines de recherche à leurs enseignements, notamment dans une dynamique de pédagogie active. Dans un contexte de baisse globale des effectifs des étudiant.e.s en littérature, de défis environnementaux et de crise - multifactorielle - des systèmes éducatifs, il semble pourtant qu’il y aurait tout à gagner à associer davantage enseignement de la littérature et questions environnementales.

Dans la dynamique lancée par « A l’école du vivant : enseigner la littérature avec les humanités environnementales », numéro que nous avons codirigé pour la revue Relief et dans lequel nous présentons en introduction ce que nous appelons les études littéraires environnementales (ÉLE), leur didactique (DÉLE) et ce qu’elles doivent au XIXe siècle (en ce qui concerne la France), cet atelier invite les collègues à partager leurs expériences. Comment enseigne-t-on les questions environnementales en cours de littératures française et francophone ? Les pays anglo-saxons, pionniers dans le domaine des humanités environnementales, développent des pistes stimulantes (Garrard, 2012) : dans quelle mesure sont-elles transférables au monde francophone ? Quid des ateliers d’écriture in situ (La Traversée | Atelier de géopoétique (latraverseegeopoetique.com)), des écobiographies ? Comment appliquer concrètement l’interdisciplinarité à laquelle invite l’écologie ? Comment la diversité culturelle qu’embrasse la francophonie s’empare-t-elle de ces questions et les renouvelle-t-elle ?

Nombreuses sont les problématiques soulevées par l’enseignement de la littérature au prisme des défis environnementaux, dont voici quelques pistes (non exhaustives) :

- enseignement de la littérature, sensibilisation à l’environnement et pédagogie active ;

- études littéraires environnementales et post-/décolonialisme ;

- écriture créative ;

- interdisciplinarité, miroir des enchevêtrements du vivant : pratiques et difficultés ;

- systèmes éducatifs : quels types d’évaluation ? quels prescripteurs/textes de cadrage (greencomp, 17 ODD, etc.) ? quelles contraintes (programmes à suivre…) ?

Bibliographie indicative :

Jeannerod Aude, Leray Morgane et Sécardin Olivier (dir.), « À l’École du vivant. Enseigner la littérature avec les humanités environnementales », Relief, vol. 18, n° 1, 2024, https://revue-relief.org/issue/view/1312.

BOURDIEU Pierre et PASSERON Jean-Claude, La Reproduction. Éléments d’une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit, 1970.

BOUVET Rachel et POSTHUMUS Stéphanie (dir.), « Plant Studies / Études végétales », L’Esprit créateur, vol. 60, n° 4, 2020. muse.jhu.edu/issue/43432

BUELL Lawrence, The Environmental Imagination: Thoreau, Nature Writing, and the Formation of American Cul-ture, Cambridge / Londres, Harvard University Press, 1995

GARRARD Greg, Ecocriticism, Londres / New York, Routledge, 2004.

_ (dir.), The Oxford Handbook of Ecocriticism, New York, Oxford University Press, 2014.

_ Teaching Ecocriticism and Green Cultural Studies, New York, Palgrave Macmillan, 2012.

GLOTFELTY Charlotte et FROMM Harold, The Ecocriticism Reader: Landmarks in Literary Ecology, Athens, Univer-sity of Georgia Press, 1996

HUCHET Catherine et SCHMEHL-POSTAÏ Annette, « Didactique de la littérature et problèmes pernicieux en Anthro-pocène. La question des valeurs et les valeurs en question », Spirale - Revue de Recherches en Éducation, vol. 72, n° 2, 2023, p. 59-76. doi.org/10.3917/spir.072.0059

LERAY Morgane, « Les études littéraires environnementales et leur didactique : pour une École du vivant », RELIEF - Revue électronique de littérature française, vol. 18, n0 1, 2024, p. 1-26. doi.org/10.51777/relief19398

_ « L’Animal à l’école de la vie/ville : sciences, morale et éducation au XIXe siècle », dans Patrick Matagne et Gisèle Séginger (dir.), Animaux dans la ville (XIX-XXIe), Champs sur Marne, LISAA éditeur, 2024 (à paraître)

MEILLON Bénédicte, « Le champ de recherche transdisciplinaire de l’écocritique et de l’écopoétique : définitions et notions », Atelier de recherche en Ecocritique & écopoét(h)ique, Université de Perpignan, 15 septembre 2016. Disponible sur archive.wikiwix.com

_ (dir.),Dwellings of Enchantment: Writing and Reenchanting the Earth, Lanham, Lexington Books, coll. « Eco-critical Theory and Practice », 2020.

MORONI Antonio, « Interdisciplinarité en éducation environnementale », Perspectives : revue trimestrielle d’édu-cation, vol. VIII, no 4, 1978, p. 528-542. Disponible sur unesdoc.unesco.org

ORELLANA Isabel, « L’émergence de la communauté d’apprentissage ou l’acte de recréer des relations dialo-giques et dialectiques de transformation du rapport au milieu de vie », dans Lucie Sauvé, Isabel Orellana et Eric Van Steenberghe (dir.), Éducation et environnement. Un croisement de savoirs, Montréal, Fides, coll. « Cahiers scientifiques de l’Acfas », no 104, 2005. Disponible sur centrere.uqam.ca

SAMPAIO Sara, Les effets de la pédagogie du dehors sur les élèves : une expérimentation en classe de GS, Mémoire de Master MÉEF, 2022. Disponible sur dumas.ccsd.cnrs.fr

SCHOENTJES Pierre, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, Wildproject, 2015.

SCHMUTZ-BRUN Catherine (dir.), Histoires de vie et rapport au végétal - Écobiographie en formation, Paris, L’Har-mattan, 2021



7 - Utiliser la littérature et les médias pour transmettre les savoirs autochtones

Ko Eun Nancy Um1

1Université de Waterloo

Cette séance examinera comment les œuvres littéraires, les récits oraux, les films, ainsi que d’autres formes de médias, peuvent fonctionner comme des ponts pour transmettre les savoirs autochtones au sein de nos institutions universitaires.

L'héritage des Premières Nations, des Inuits et des Métis se reflète dans une richesse de récits, qu’ils soient sous forme de romans, de poèmes ou d'œuvres audiovisuelles contemporaines. Ces supports permettent de transmettre non seulement l'histoire et la culture autochtones, mais aussi une vision du monde enracinée dans une relation intime avec la terre, le temps et la communauté.

L’objectif de cet atelier est d'explorer un répertoire de ressources pédagogiques permettant d’intégrer une perspective autochtone dans l’enseignement, tout en faisant découvrir aux étudiant·e·s la richesse et la subtilité des savoirs autochtones. Nous souhaitons explorer des œuvres et des médias à intégrer dans les cours, tels que :

Œuvres littéraires contemporaines : Romans et recueil de poésie comme ceux de Joséphine Bacon, Virginia Pesemapeo Bordeleau, ou Rita Mestokosho, qui abordent les thèmes de l'identité, de la mémoire collective et de la décolonisation.

Récits oraux : Utilisation des contes traditionnels enregistrés et des récits de vie partagés par les aînés pour faire découvrir aux étudiants l'importance de la transmission orale dans la préservation des savoirs autochtones.

Cinéma et documentaire : Œuvres cinématographiques réalisées par des cinéastes autochtones, comme Alanis Obomsawin et Kim Obomsawin, qui documentent l'histoire, la résistance et les luttes contemporaines des communautés autochtones.

Théâtre : des spectacles mis en scène comme ceux d'Émilie Monnet, réunissant des artistes issus de différentes communautés autochtones.

Art numérique: Exploration des plateformes numériques, des jeux vidéo et des œuvres interactives qui permettent de rendre les savoirs autochtones accessibles à un public plus large tout en respectant les traditions narratives.

Cet atelier stimulera ainsi la réflexion sur l’intégration de ces créations dans les matières telles que le langage, la littérature et les études culturelles, en tenant compte de l’autonomie et de la variété des points de vue autochtones. Il est souhaitable d’aborder également les questions entourant la représentation, l’appropriation culturelle et les droits des communautés sur leur savoir transmis à travers ces médias.

Bibliographie:

Archibald, Jo-Ann, et al., editors. Decolonizing Research : Indigenous Storywork as Methodology. ZED Books Ltd, 2019.

Armstrong, Jeannette C. Nous sommes des histoires : réflexions sur la littérature autochtone. Édité par Marie-Hélène Jeannotte et al., Traduit par Jean-Pierre Pelletier, Mémoire d’encrier, 2018.

Bérard, Sylvie. « À qui parles-tu quand tu dis « parlons-nous » ? Délégation de la parole de Aimititau à Shuni ». Arborescences : revue d’études littéraires, linguistiques et pédagogiques de langue française, no 11, 2021, p. 53‑70, https://doi.org/10.7202/1088910ar.

Bruhn, Jørgen, et Beate Schirrmacher, dir. Intermedial Studies: An Introduction to Meaning Across Media. New York et London, Routledge, Taylor & Francis Group, 2022.

Canada, Affaires mondiales. « Plan d’action d’Affaires mondiales Canada sur la réconciliation avec les peuples autochtones - 2021-2025 ». AMC, 21 juillet 2021, https://www.international.gc.ca/transparency-transparence/indigenous-reconciliation-autochtones/index.aspx?lang=fra.

Côté, Jean-François. La Renaissance du théâtre autochtone : Métamorphose des Amériques. Collection Américana. Québec, Presses de l’Université Laval, 2017.

Gatti, Maurizio. Être écrivain amérindien au Québec : indianité et création littéraire. Montréal, Hurtubise HMH, 2006.

Giroux, Dalie. Parler en Amérique : oralité, colonialisme, territoire. Mémoire d’encrier, 2019.

Iseke, Judy et Sylvia Moore. « Community-based Indigenous Digital Storytelling with Elders and Youth ». American Indian Culture and Research Journal, vol. 35, no 4, 2011, http://dx.doi.org/10.17953.

Jeannotte, Marie-Hélène, Jonathan Lamy, Isabelle St-Amand, et Jean-Pierre Pelletier. Nous sommes des histoires : réflexions sur la littérature autochtone. Montréal, Mémoire d’encrier, 2018.

Kalogeras, Stavroula. Transmedia Storytelling and the New Era of Media Convergence in Higher Education. Houndmills, Basingstoke et Hampshire, Palgrave Macmillan, 2014.

Lacasse, Jean-Paul. Les Innus et le territoire : Innu tipenitamun. Montréal, Septentrion, 2004.

Lamy-Beaupré, Jonathan. « Écrire pour prendre la parole : situation de la poésie amérindienne francophone », dans Corinne Blanchaud (dir.), Pour la poésie. Poètes de langue française (XXe-XXIe siècle). Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2016, p. 295-308.

Leaning, Marcus. Media and Information Literacy: An Integrated Approach for the 21st Century. Cambridge, Chandos Publishing (Elsevier), 2017.

Magnat, Virginie. « (K)New Materialisms: Honouring Indigenous Perspectives. » Theatre Research in Canada, vol. 43, no. 1, 2022, pp. 24-37, https://doi.org/10.3138/tric.43.

« Rapports ». Centre national pour la verité et la réconciliation. 18 décembre 2020, https://nctr.ca/documents/rapports/?lang=fr.

« {Ré}conciliation ». Conseil des arts du Canada, https://conseildesarts.ca/initiatives/reconciliation.

Scolari, Carlos Alberto. « Transmedia Storytelling: Implicit Consumers, Narrative Worlds, and Branding in Contemporary Media Production ». International Journal of Communication, vol. 3, 10 juin 2009, en ligne : https://ijoc.org/index.php/ijoc/article/view/477.

Smith, Linda Tuhiwai. Decolonizing Methodologies : Research and Indigenous Peoples. Third edition., Bloomsbury Academic, 2022.




8 - Écriture des sexualités de langue française (1990- )

atelier fusionné avec l’atelier 3

Claire David1, Francesca Caiazzo2, Isabelle Boisclair2

1université de Tours, 2Université de Sherbrooke

Écriture des sexualités de langue française (1990- ) L’atelier proposé vise à rendre compte des écritures des sexualités contemporaines de langue française, tant sur le plan de leur potentiel émancipateur que sur celui de l’invention formelle. Longtemps confinée tantôt à la catégorie de l’érotisme, tantôt à celle de la pornographie, avec tous les problèmes théoriques qu’une telle division pose (Lavigne, 2014), l’écriture des sexualités est de plus en plus pratiquée et reconnue comme telle dans le champ littéraire de langue française.

Dans son étude de productions cinématographiques pornographiques, la chercheuse féministe Linda Williams (2008) opère une distinction entre les syntagmes « parler de la sexualité » et « dire la sexualité » : dans le premier cas, « parler de » présuppose un objet d’investigation stable, tandis que dans le deuxième, la sexualité renvoie plutôt à une construction discursive, un objet incertain qui se construit au fur et à mesure qu’on l’écrit. Ainsi, il ne s’agit plus d’étudier simplement la ou les « représentations littéraires » de la sexualité, mais bien de se concentrer sur la dimension productive et volontiers critique de l’« écriture ».

Depuis les années 1990, romans, nouvelles, poésies, autofictions et, plus récemment, témoignages et autothéories (Fournier, 2021), déconstruisent les scripts sexuels (Gagnon et Simon, 1973) préconçus et en imaginent parfois de nouveaux, explorant des territoires inédits. La dernière décennie est marquée par une politisation accrue des discours sur la sexualité, en particulier par une dénonciation sans précédent des violences sexistes et sexuelles emblématisée par le mouvement Me Too. Depuis lors, de nombreuses femmes, écrivaines ou non, ont pris la plume pour révéler les abus qu’elles ont subis ou dont elles ont été témoins, dénonçant parfois nommément un agresseur. Comment ces récits ont-ils été reçus par le public et par la critique universitaire ? Ancrés qu’il sont dans l’actualité socio-politique, quelle littérarité leur est reconnue?

Un tour d’horizon des publications contemporaines montre cependant que des textes publiés au tournant du XXIe siècle, tels que ceux de Virginie Despentes ou de Nelly Arcan, d’Annie Ernaux ou de Marie-Sissi Labrèche, étaient déjà pourvus d’une force critique indéniable, fustigeant les contraintes patriarcales qui régissent les comportements sexuels et façonnent les subjectivités. Comment alors penser cette ère pré-Me Too, et comment l’articuler au contexte post-Me Too d’aujourd’hui, représenté notamment par Giulia Foïs, Marie-Christine Lemieux-Couture et Vanessa Springora ? Entre-t-on désormais dans un âge post-post-Me Too, où les représentations des sexualités seraient bel et bien transformées par les prises de paroles féminines et féministes de ces dernières années? Si, à travers cette trajectoire, ce sont surtout les femmes qui ont à la fois dénoncé (des sexualités violentes) et énoncé (un appel à une paix sexuelle), qu’en est-il des hommes qui écrivent sur la sexualité? Ont-ils entendu le message? Parviennent-ils à reconfigurer les vieux patrons?

Vies affectives, homosexualités, identités et sexualités queer, travail du sexe, traumatismes liés aux violences, pour ne citer que ces quelques enjeux : les contributions pourront témoigner de la richesse des écritures des sexualités et, au-delà d’une analyse des représentations, proposer une réflexion sur les recherches poétiques et les reconfigurations narratives et énonciatives mises en œuvre par les auteurices.

Outre l’attention portée aux récentes évolutions historiques, nous souhaitons que l’atelier embrasse une pluralité d’aires culturelles et géographiques. Dans une perspective comparatiste, les récits de la sexualité chargés de problématiques postcoloniales, pensons par exemple à ceux d’Abdellah Taïa, de Sami Tchak, de Calixthe Beyala ou de Léonora Miano, pourront faire l’objet d’une lecture particulière.

De façon non-restrictive, les contributions pourront s'inscrire dans les axes suivants:- Représentation des sexualités et reconfigurations narratives et génériques- Écriture du sexe et engagement littéraire- Violences sexuelles, répercutions de Me Too dans la production littéraire - Identités et sexualités queers et LGBT+- Sexualités et contexte postcolonial- Récits du travail sexuel- Réception des écritures du sexe dans les études littéraires et les études de genre

Orientations bibliographiques:

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DAVID, Claire, « Les traces de la colère : la culture du viol en procès dans la littérature québécoise », Revue critique de fixxion française contemporaine [En ligne], 26 | 2023, mis en ligne le 15 juin 2023, consulté le 09 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/fixxion/10750 ; DOI : https://doi.org/10.4000/fixxion.10750

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GAGNON, John, William SIMON (1973), Sexual Conduct. The Social Sources of Human Sexuality, Chicago, Aldine.

HEKMA, Gert, Alain GIAMI (dir.) (2015), Révolutions sexuelles, Paris, La Musardine.

LAVIGNE, Julie (2014), La traversée de la pornographie : politique et érotisme dans l'art féministe, Montréal, Remue-Ménage.

MERLIN-KAJMAN, Hélène, La Littérature à l’heure de #MeToo, Paris, Éditions d’Ithaque, 2020.

SAINT-AMAND, Denis, Mathilde ZBAEREN, dir, « Violences sexuelles et reprises de pouvoir », Revue critique de fixxion française contemporaine [En ligne], 24 | 2022, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 08 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/fixxion/2548 ; DOI : https://doi.org/10.4000/fixxion.2548

SAINT-MARTIN, Lori, Rosemarie FOURNIER-GUILLEMETTE et Marie-Noëlle HUET (dir.) (2012), Entre plaisir et pouvoir : lectures contemporaines de l’érotisme, Montréal, Nota bene.

WILLIAMS, Linda (2014 [2008]), Screening sex. Une histoire de la sexualité sur les écrans américains, Nantes, Capricci.

ZENETTI, Marie-Jeanne (2022), « Que fait #MeToo à la littérature ? », Revue critique de fixxion française contemporaine [En ligne], 24 | 2022, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 08 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/fixxion/2148; DOI : https://doi.org/10.4000/fixxion.2148




9 - Représentations de l'enfance et de l’adolescence dans les littératures d’expression française de l’Asie de l’Est et du Sud-Est et de l’Afrique subsaharienne (XXe et XXIe siècles).

Valérie Dusaillant-Fernandes1, Kyeongmi Kim-Bernard2, Judith Sinanga-Ohlmann3

1University of Waterloo, 2MacEwan University, 3University of Windsor

« Quand débute et s’achève l’enfance ou l’adolescence ? » s’interrogent les chercheur·euses En fait, à l’instar d’Anne Cousseau, nous pensons que cette question n’a pas de réponse unique puisque chaque époque l’a déterminée suivant des facteurs socioéconomiques et idéologiques différents (1999 : 16) et chaque société sur chaque continent détermine ses étapes transitoires selon ses croyances, ses rites, ses normes et ses lois. Dans L’ère du récit d’enfance, Alain Schaffner affirme que « non seulement les dictionnaires ne s’accordent pas entre eux sur la limite de l’enfance (dix ans? douze ans? treize ans?), mais [que] cette évaluation semble sujette à des variations historiques et individuelles dont les récits d’enfance se font écho » (2005 : 8). En fait, l’expression de « tranche de vie » d’un enfant ou d’un·e adolescent·e utilisée par Denise Escarpit paraît adéquate. De plus, à la question « qu’est-ce que le récit d’enfance? », elle répond : « c’est un texte écrit […] dans lequel un écrivain adulte, par divers procédés littéraires, de narration ou d’écriture, raconte l’histoire d’un enfant - lui-même ou un autre -, ou une tranche de vie d’un enfant : il s’agit d’un récit biographique réel - qui peut alors être une autobiographie - ou fictif » (1993 : 24). Ainsi, depuis le siècle dernier, beaucoup d’auteur·e·s d’expression française du sud du Sahara et de l’Asie de l’Est et du Sud-Est ont écrit des œuvres dans lesquelles le ou les personnages principaux sont des enfants ou des adolescents qui peuvent être l’objet du récit et/ou jouer le rôle de narrateur. Pensons entre autres aux écrivain·e·s tels que Camara Laye (L’enfant noir), Abdoulaye Sadji (Maïmouna), Cheikh Hamidou Kane (L’aventure ambiguë), Mongo Béti (Le pauvre Christ de Bomba, Perpétue), Henri Lopes (Le chercheur d’Afriques), Laurent Owondo (Au bout du silence), Calixthe Beyala (C’est le soleil qui m’a brûlée, La petite fille du réverbère) ou encore Kim Lefèvre (Métisse blanche), Dai Sijie (Balzac et la Petite Tailleuse chinoise) et Aki Shimazaki (Tsubaki).

L’objectif de cet atelier est donc d’explorer les différentes représentations de l’enfance et de l’adolescence dans les textes littéraires écrits et publiés par des auteur·e·s originaires de l’Asie de l’Est et du Sud-Est et de l’Afrique subsaharienne d’expression française des XXe et XXIe siècles. Regrouper ces deux grandes masses continentales qui englobent à elles seules la majorité de la population de la planète nous est apparu évident parce que ces deux continents sont riches en histoire et en évènements majeurs marqués par un passé colonial et postcolonial long et douloureux. De plus, les liens (économiques, sociaux, historiques) entre l’Asie et l’Afrique ne sont plus à démontrer. C’est pour ces raisons que nous invitons des communications sur des textes littéraires (tous genres confondus ; fiction ou écriture de soi) écrits par des auteur·e·s originaires des régions géographiques mentionnées plus haut qui proposent un regard sur la vie, ou une « tranche de vie », d’un enfant ou d’un·e adolescent·e. Nous espérons regrouper ainsi autour de ce thème des contributions portant sur un ou plusieurs textes d’un continent choisi ou des analyses croisées liées à l’Asie et à l’Afrique. Ces études permettront de confronter les perceptions, les relations, et le vécu de l’enfant ou de l’adolescent·e sur deux continents et d’y relever certaines similitudes, des points de confluence ou, au contraire, des divergences qu’il serait bon de mettre au jour.

De ce fait, la thématique de l’enfance dans les littératures d’expression française du sud du Sahara et de l’Asie de l’Est et du Sud-Est offre un champ varié de réflexion. Dans ces littératures, de la période la plus éloignée à l’ère actuelle, l’enfant et l’adolescent·e continuent d’être au centre de récits dans lesquels les lecteur·rice·s se trouvent embarqué·e·s dans un monde où se croisent des récits joyeux, mais toujours mêlés à la triste réalité de la vie en Afrique ou en Asie que ce soit à la campagne ou en zone urbaine. Comme la joie est mêlée à la tristesse, l’espoir et le désespoir vont aussi de pair. Ainsi, nombreuses sont les aventures d’enfance ou d’adolescence qui mènent le lecteur ou la lectrice aux thèmes tels que la pauvreté, la maltraitance et les viols (Léonora Miano) les guerres ou les offensives guerrières (Anna Moï, Kim Thùy, Kim Lefévre, Marcelino Truong, Akira Mizubayashi), l’enrôlement militaire forcé (Florent Couao-Zotti, Ahmadou Kourouma, Serge Amisi, Gustave Akakpo, Emmanuel Dongala, Akira Fukaya et Aki Ra), l’espionnage et le terrorisme (Edem Awumey, Ousmane Diarra), les horreurs des génocides (Scholastique Mukasonga, Gaël Faye, Tierno Monénémbo, Pin Yathay), l’impact des régimes autoritaires ou de grandes bouleversements/révolutions politiques (Navy Soth et Sophie Ansel, Dai Sijie, Alain Mabanckou, Ying Chen, Ya Ding), l’exil et l’errance (Linda Lê, Duy Binh Vuong) et le retour au pays sur les traces de l’enfance (Hui Phang Loo, Kim Doan).

Quant à l’adolescent·e, il·elle est souvent prisonnier·ère d’une société qui l’exploite et n’hésite pas à sacrifier sa jeunesse pour le bien-être de toute la collectivité. C’est le cas de jeunes filles que l’on marie trop jeunes ou que l’on condamne à la prostitution (Calixthe Beyala, Mongo Béti, Djaïli Amadou Amal) ou à l’excision (Halimata Fofana), celles que l’on transforme en sécurité sociale pour toute la famille (Fatou Diome), les jeunes que l’on contraint à l’exil afin d’aider la famille restée au pays d’origine (Fatou Diome), ou encore des jeunes filles que l’on persécute pour des raisons raciales (Scholastique Mukasonga). L’adolescent·e· est aussi confronté·e à un monde changeant, mondialisé, où les rencontres avec certains individus promettent le mirage de la richesse (In Koli Jean Bofane). On remarque aussi les jeunes plus orienté·e·s vers la découverte de soi, vers le désir à travers la relation amoureuse et vers un meilleur avenir (Line Papin, Minh Tran Huy, Marguerite Abouet, Eun-Ja Kang) ou encore la représentation de l’adolescent·e créateur·rice (Ook Chung). À ces thématiques s’ajoutent celles que l’on trouve dans les textes moins récents et dans lesquels la problématique de la quête d’identité (Henri Lopes) et de l’aliénation identitaire (le Cheihk Hamidou Kane) restent encore d’actualité.

Les thèmes relevés ci-dessus ne sont que quelques exemples, car le sujet de l’enfance et de l’adolescence, dans les littératures d’expression française de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, a été exploité par plusieurs auteur·e·s qui s’en sont tous·tes servi·e·s pour mettre en évidence de nombreux problèmes sociaux et profondément humains. C’est pour cela que nous invitons des propositions de communication venant de chercheur·euses confirmé·e·s ou en début de carrière, d’étudiant·e·s supérieur·e·s de tous les cycles qui s’intéressent à se joindre à nous afin de parvenir à rassembler autant d’aspects que possibles sous lesquels se présente la thématique de l’enfance et de l’adolescence dans ladite littérature.

Nous proposons trois axes de réflexion :

L’enfant/l’adolescent·e :

au cœur de la tragédie et des catastrophes (privées ou collectives)

- Travail, exploitation, prostitution, militarisation, pauvreté, famine et impacts d’autres désastres (industriels ou environnementaux)

- Tragédies humaines : Hiroshima, génocides, Guerre de Corée, Boat-People, réfugiés: impacts traumatiques, conséquences, transmission, mémoires, souvenirs, exil, diaspora, migration.

et son milieu/sa vie quotidien·ne :

- Le tissu familial : relations avec les parents, la fratrie, les grands-parents et autres proches, violence, inceste, soumission, emprise

- Liens avec les lieux ou son espace environnant

- Milieu scolaire : relation aux autres, harcèlement, racisme, partage, amitiés, études.

et les questions de mobilité, d’identité, d’altérité et de découvertes :

- Entre-deux, métissage, (rites de) passages

- Rapports à la langue/aux dialectes (d’ici et d’ailleurs)

- Regards sur l’autre : Asiatiques/Africains/Européens

- Amour, sexualité et désir de l’adolescent·e, découverte de soi

- Rêves, désirs d’ailleurs, liberté retrouvée

- Empowerment, apprentissages.

Bibliographie (Ouvrages cités ou de référence)

Attikpoé, Kodjo (dir.). Poétique de l’enfance. Perspectives contemporaines, L’Harmattan, 2017.

Audiberti, Marie-Louise. Écrire l’enfance : douce ou amère, éclairée par la littérature, Éditions Autrement, 2003.

Chelin, Véronique. De l’intime au social : l’écriture de l’enfance dans le roman francophone contemporain de Maurice et de la Réunion, thèse de doctorat, Université de Montréal, octobre 2014.

Chevalier, Anne et Carole Dornier (dir.). Le récit d’enfance et ses modèles, Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (27 septembre-1er octobre 2001), Presses universitaires de Caen, 2003.

Chombart de Lauwe, Marie-Josée. Un monde autre. L’enfance : de ses représentations à son mythe, Payot, 1971.

Cousseau, Anne. Poétique de l’enfance chez Marguerite Duras, Droz, 1999.

Crosta, Suzanne. Récits de vie de l'Afrique et des Antilles : exil, errance, enracinement, no 16, GRELCA, Coll. « Essais », 1998.

----. Récits d'enfance antillaise, no 15, GRELCA, Coll. « Essais », 1988.

Di Cecco, Daniela. Portraits de jeunes filles. L'adolescence féminine dans les littératures et les cinémas français et francophones, L’Harmattan, 2009.

Escarpit, Denise et Bernadette Poulou (dir.). Le récit d'enfance. Enfance et écriture, Éditions du Sorbier, 1993.

Fendler, Ute et Liliana Ruth Feierstein. Enfances ? Représentations de l’enfance en Afrique et en Amérique latine, München, AVM.edition, 2013.

Lejeune, Philippe (dir.). Le récit d’enfance en question, Nanterre, Université Paris X-Nanterre, 1996[1988].

Ndiaye, Christiane, « Orphelins et orphelines : la transposition des parcours figuratifs de la littérature orale à la littérature écrite africaine », Revue de l’Université de Moncton, vol. 34, n°1- 2, 2003, pp. 291-310.

Schaffner, Alain (dir.). L’ère du récit d’enfance, Artois Presses Université, Coll. « Enfances », 2005.

Sow, Alioune, Vestiges et vertiges : Récits d’enfance dans les littératures africaines, Arras, Artois Presses Université, 2011.



10 - Actualités d'Antigone

Johanne Bénard1, Pascal Riendeau2

1Queens University, 2University of Toronto

Dans son célèbre essai sur Antigone, George Steiner affirme que l'héroïne de Sophocle « traverse sans faiblir deux millénaires. Comment est-ce possible ? » (1986 : 117) Antigone a connu, plus que tout autre personnage de la tragédie grecque ancienne, une postérité artistique exceptionnelle. Le personnage théâtral s’est depuis longtemps transformé en mythe et participe à l’ensemble de l’univers mythologique grec (Desautels, 1988 : 14). Au XXIe siècle, le phénomène se poursuit; Antigone est devenue une source intarissable à laquelle les auteurs puisent pour éclairer diverses formes de conflits, qui répondent à leur contemporanéité. Plus les Antigone sont nombreuses, plus elles multiplient les possibilités nouvelles.

Cet atelier cherche à explorer toutes les formes attribuées à Antigone depuis qu’elle est apparue dans la tragédie de Sophocle, à interroger le mythe et ses avatars. Selon Duroux et Urdician, « une fois évitées les interprétations anachroniques, Antigone devient une figure emblématique indéfiniment réinterprétable et recyclable » (2010 : 14). Antigone en est venue à représenter la lutte, le courage et la détermination dans toutes les situations, pour toutes les causes. Ce n’est toutefois pas sans risque de créer parfois des contradictions, en particulier dans la façon de transposer la lutte entre Antigone et Créon, qui constitue le conflit éthique primordial. Ainsi, pour Ricœur, « cette tragédie [Antigone] dit quelque chose d’unique concernant le caractère inéluctable du conflit dans la vie morale, et en outre esquisse une sagesse […] capable de nous orienter dans les conflits d’une tout autre nature » (1990: 283). Cette affirmation de Ricoeur nous permet d’ailleurs de mieux comprendre comment la place de l’éthique à l’œuvre chez Sophocle se transforme dans les adaptations ou transcréations. Steiner va plus loin en affirmant qu’on y trouve la totalité des principales constantes des conflits inhérents à la condition humaine. C’est dans le déplacement de la nature du conflit qu’on lui redonne, chaque fois, une nouvelle pertinence. Quant à Judith Butler (2003 : 10), revenant sur la question du genre, elle propose que « les héritages incestueux [d’Antigone] qui troublent sa position au sein de la parenté » embrouillent aussi sa représentation du féminisme.

Aux XXe et XXIe siècles, beaucoup de nouvelles traductions et adaptations d’Antigone de Sophocle sont apparues; les plus connues sont signées Cocteau (1922), Anouilh (1944) ou Brecht (1948). Antigone, personnage théâtral, apparaît également de plus en plus dans la littérature narrative : Réjean Ducharme (L’avalée des avalés, 1966); Catherine Mavrikakis (Ça va aller, 2002); Henry Bauchau (Antigone 1997), au cinéma (Antigone de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet [1991]; Antigone de Sophie Deraspe [2019]), voire dans la bande dessinée (Jop, 2019). Dans l’ensemble de la francophonie les œuvres adaptant Antigone sont nombreuses et variées : Une manière d’Antigone (1975, inédite) de Patrick Chamoiseau; Noces posthumes de Santigone (1988) de Sylvain Bemba ou encore Le cri des oiseaux fous (2000) de Dany Laferrière.

Voici, à titre suggestif, quelques axes d’étude :

- L’axe philosophie et éthique;

- L’axe politique;

- L’axe féministe;

- L’axe de l’adaptation, de la transcréation;

- L’axe du spectacle théâtral (les mises en scène);

- L’axe de l’enseignement (Antigone en salle de classe).

Les communications pourront porter sur un large corpus dont voici les paramètres :

- Nous acceptons les analyses de toutes les œuvres représentant ou analysant le personnage d’Antigone.

- Nous acceptons les communications qui porteront sur des essais, des pièces de théâtre, des romans, des adaptations cinématographiques, des bandes dessinées ou autres.

- Nous privilégions, en plus du texte original de Sophocle, les textes des 100 dernières années, depuis l’Antigone de Cocteau (1922).

- Nous incluons toutes les littératures francophones.

Bibliographie

BUTLER, Judith (2003), Antigone: La parenté entre vie et mort, Paris, Epel ; traduction de Guy Le Gaufey.

CACCHIOLI, Emanuela (2017), Relectures du mythe d’Antigone dans les littératures francophones extra-européennes, Paris, L’Harmattan.

CANTO-SPERBER, Monique (2001), Éthiques grecques, Paris, Presses universitaires de France.

DESAUTELS, Jacques (1988), Dieux et mythes de la Grèce ancienne, Québec, Presses de l’Université Laval

DUROUX, Rose et Stéphanie URDICIAN (2010), « Introduction », Les Antigones contemporaines, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal p. 11-32

KUNDERA, Milan (2005), Le rideau, Paris, Gallimard.

RICOEUR, Paul (1990), Soi-même comme un autre, Paris, Seuil.

RICOEUR Paul (1991), « Éthique et morale », dans Lectures 1. Autour du politique, Paris, Seuil, p. 258-270.

SOPHOCLE (1999), Antigone, Paris, GF Flammarion.

STEINER, George ([1961] 1993), La mort de la tragédie, Paris, Gallimard.

STEINER, George (1986), Les Antigones, Paris, Gallimard.




11 - La représentativité des sciences endogènes dans le cinéma

Dieudonné MOUANDZA1, Claude Giscard MAKOSSO1

1Université Marien Ngouabi

Le cinéma contribue fortement à ancrer dans le subconscient l’hégémonie des nations occidentales. Les exemples sont pléthoriques. Les films tels que Rambo II et III présentent les États-Unis comme victorieux au Vietnam et en Afghanistan, contrairement aux faits historiques. Dans Rocky IV, le héros américain terrasse le méchant Russe. Les technologies avant-gardistes des James Bond rappellent la supériorité technologique occidentale ; le héros lui-même est un Américain de souche dont la clairvoyance surpasse de loin ses collègues indiens, arabes et noirs, qui eux n'incarnent que des rôles secondaires.

Ainsi donc certaines traditions des peuples colonisés ont été, au moyen du cinéma, diabolisées à tort, en faveur des cultures étrangères. À dessein ou par méconnaissance? Toujours est-il que l’Afrique et ses savoirs endogènes se voient souvent dénigrés par le cinéma. « Le dieu du vaincu est devenu le diable du vainqueur » dixit l’écrivain Martiniquais Aimé Césaire (In Société et littérature dans les Antilles).¹ De nombreux films véhiculent encore ces clichés au 21e siècle, notamment le film Augure, de Baloji, techniquement réussi mais dont l’une des séquences présente un discours paternaliste et minimise l’impact de l’huile de palme sur la santé. Le film La vie est belle de Benoit Lamy et Dieudonné Mweze Ngangoura ne montre de son côté que le côté pernicieux des guérisseurs traditionnels, vus comme des charlatans.

Une « nouvelle vague » de cinéma ou de télévision africains tend à corriger le tir et se fait le porte-parole de sciences africaines présentées comme respectables. C'est le cas de séries télévisées telles que Sakho et Mangane (Sénégal); De plus en plus loin (Burkina Faso); Eki (Gabon), produites par et diffusées sur la chaîne de télévision Canal+. L'on pourrait encore mentionner des vidéo-clips qui, tel Mandela du groupe Cheri-clau (Congo-Brazzaville), sont des sortes de revendication politiques de la validité du mysticisme africain.

L’objectif de cet atelier est de susciter des analyses objectives pouvant inspirer le créateur ou le spectateur lambda, voire d’orienter ou de réorienter les regards quant aux choix et à la création des contenus audio-visuels africains. Nous cherchons à explorer l’incidence que la dimension esthétique ou inesthétique d’une œuvre cinématographique peut avoir du point de vue socioculturel, à travers une approche sémio-narrative et discursive qui porte sur un corpus francophone.

¹ Conférence prononcée le mardi 11 avril 1972 à l'Université Laval, Québec.

Les axes de recherches:

Axe 1 : Culture, savoirs endogènes et développement en lien avec l'imaginaire cinématographique.

Axe 2 : Images et expressions des contenus audiovisuels africains.

Axe 3 : Multi-culture, multi-écriture (texte filmique) et souffle d’oralité (dans le langage cinématographique).

Bibliographie indicative

- Africultures, Cinéma, l'exception africaine, N°45, Fév. 2002, L'Harmattan.

- Association des 3 mondes Fespaco, Les cinémas d’Afrique, 2000.

- Barlet, Olivier, Les cinémas d'Afrique noire francophone, le regard en question, L'Harmattan, 1996.

- Chrétien, Jean Pierre, L'invention de religieuse en Afrique: histoire et religion en Afrique noire, Ed. Khartala/ ACCT, Paris, 1993.

- De Heusch, Luc, Le sacrifice dans les religions africaines, Gallimard, Paris, 1986.

- De Rosny, Eric, Les yeux de ma chèvre, Paris, Plon, 1981.

- De Surgy, Albert, Nature et fonction des fétiches en Afrique noire, L'Harmattan, Paris, 1994.

- Felix Ntep, Lambert Lipoubou, Repenser le marché de l'Afrique à partir du culturel, L'Harmattan, 2012.

- Freud, Sigmund, Totem et Tabou, Payot, 1979 [1913].

- Gardies, André, Cinéma d'Afrique noire francophone, (l'espace miroir), L'Harmattan, 1989.

- Houtondji, Paulin, J., Les savoirs endogènes, Codesria/ Nena, 2018.

- Kesteloot, Lilyan, Mythe, espoir, épopée et histoire africaine, édition Nouvelles du sud, 1991.

- Lequeret, Elisabeth "Cinéma africain, un continent à la recherche de son propre regard", Cahiers du cinéma, 2003.

- Lussato, Bruno, Le défi culturel, Nathan, 1988.

- Makosso, Claude, Giscard, "La danse macabre, une écriture scénaristique", Gresla-DL, N° 002, Juin-Décembre 2019.

- Moussavou, Raymonde, "Savoirs endogènes en classe des sciences: points de vue d'enseignants et d'enseignantes en formation au Gabon", Thèse (2012), Université Laval.

- Niang, Sada, Littérature et cinéma en Afrique francophone, L'Harmattan, 1997.

- Rondeau, Dany, La place des savoirs locaux endogènes dans la cité globale, Presse Universitaire Laval, 2015.

Filmographie

- 2022, Eki (série gabonaise), de Nadine Otsobogo, Boris Oué et Alex Ogou.

- 2021, Sakho et Mangane (série sénégalaise), de Jean Luc Herbulot

- 2021, Mami wata, le mystère d'iveza, (série gabonaise) de Samantho Biffot et Marko Tchicot

- 2013, Tey (Aujourd'hui), Etalon d'or du Fespaco 2013, Sénégal, d'Alain Gomis

- 2006, Bamako, Mauritanie, d'Abderrhmane Sissako.

- 1988, La vie est belle, (Belgique-Zaïre), de Benoit Lamy et Mweze Ngangura Dieudonné

- 1989, Yaaba, Prix quinzaine des réalisateurs Cannes 89, Fespaco, Prix Spécial du Jury, prix du public et prix de la meilleure musique, Prix du Jury Œcuménique, (Burkina Faso), d'Idrissa Ouédraogo

- 1987, Yeelen, grand prix du jury aux festival de Canne et prix Godeborg (Mali), de Souleymane Cissé

- 1982, Le vent (Finye), Tanit d'or Carthage 83, Grand prix Fespaco 83, Un certain regard Cannes 83, Mali, de Souleymane Cissé

- 1982, Wend Kuuni, César du Meilleur film francophone 1985, Burkina Faso, Gaston Kabore

- 1975, Xala, Sénégal, Sembene Ousmane

- 1973, Touki Bouki, Sénégal, Djibril Diop Mambety

- 1996, Keïta ! L'Héritage du griot, Mali, de Dani Kouyaté

- 1990, Tilaï, question d'honneur (grand prix du jury festival de Cannes), Burkina Faso, d'Idrissa Ouédraogo

- 1988, Bal poussière, prix de la critique au Festival du film d’humour de Chambrousse en 1989, Côte d'ivoire, Henry Duparc



13 - Imposture et figure de l'imposteur·rice dans les littératures contemporaines

Rony Devyllers YALA KOUANDZI

La civilisation a introduit l’humanité dans l’ère du mensonge et du soupçon. L’être humain moderne enclin à paraitre, à se faire une notoriété et à réussir coûte que coûte succombe bien souvent à la tentation de l’imposture et s’assume comme imposteur. Qu’est-ce qu’un·e imposteur·rice ? J.-B. Pontalis (cité par A. Bauduin, 2007 : 11) en donne la définition suivante : ̏ « L’imposteur : celui qui usurpe une identité, s’invente au point d’y adhérer parfois, une histoire qui n’est pas la sienne, se fait passer pour un autre et ça marche ». Selon Kevin Chassangre et Stacey Callahan (2015 : 13), « Un véritable imposteur est quelqu’un qui peut mentir et mettre en place des stratégies précises et calculées pour arriver à ses objectifs ». Pour R. Gori (2013 : 15-18), c’est un vrai faux, un faux vrai qui ne surgit pas ex nihilo : il est fabriqué et se fabrique.

En littérature, nombre d’auteur.e.s créent des œuvres dans lesquelles il est montré comment autrui formate la figure de l’imposteur·rice et de quelle manière une telle identité se construit. Si l’on veut prendre la mesure de la part de l’Autre dans la fabrique des imposteurs, écrit R. Gori (2013 : 17), il faut bien restituer pour chacun d’eux le trajet subjectif qui a pu les disposer à la feinte et au mensonge, à ce mode de fétichisme particulier, mais encore prendre en compte la rhétorique politique et morale qui civilise les mœurs à ce moment-là dans cette société-là, culture dans laquelle vivent ces faussaires.

De toute évidence, la civilisation des mœurs, support de l’économie et de la politique, ne suffit pas à elle seule à justifier l’imposture. L’on devrait aussi prendre en compte des facteurs psychologiques naturels. Dans cette optique, Bela Grunberger et Janine Chasseguet Smirguel (1976 : 73) font remarquer qu'il est impossible d’admettre que les facteurs économiques sont les seuls à déterminer le comportement des individus dans les sociétés ; il est inadmissible de négliger le rôle des facteurs psychologiques quand il s’agit des réactions d’êtres humains.

L’imposture s’entretient au moyen d’un certain nombre d’usages dont la démagogie et la manipulation: l’imposteur·rice, virtuose de l’apparence et de l’apparat, par des identifications aux autres et des pseudo-identifications (R. Gori, 2013 : 13), y trouve un moyen de masquer son incompétence et ses déboires. Hypocrisie, mensonge, fraude, usurpation, l’imposteur·rice a besoin, plus que d’autres, de faire croire, de trouver un public, des victimes qui consentent à ce que le faux soit authentifié comme vrai, que le « pour rire » soit pris « pour de bon » (R. Gori, 2013 : 12). « C’est d’ailleurs un homme qui sait profiter de l’opinion, de son propre pouvoir de convaincre. Du crédit qu’il parvient à obtenir dépend le profit de son entreprise. C’est dire à quel point l’imposteur est un homme qui vit à crédit : sa vie dépend du crédit que les autres lui accordent, de leur appréciation, de leur évaluation et de leur "notation" » (R. Gori, 2013 : 14). L'on pourra évoquer suivant Gori, et à titre d'exemple, la figure du politicien mystificateur dans Le cercle des tropiques d’Alioum Fantouré ; du migrant dans Black bazar d’Alain Mabanckou ; du « faussaire de génie » et d’escroc dans Le Condottière et Un cabinet d’amateur de Georges Pérec ; etc.

Toutefois, M. Decout (2018 : 10) estime qu’il serait abusif et injuste de reléguer l’imposture dans les marges des comportements déviants ou des vices reprouvés, du côté de la malhonnêteté. Elle peut au contraire être révélatrice de valeurs humaines : « l’imposture prend parfois la forme moins attendue du sentiment d’être imposteur, de mentir, de jouer un rôle, de ne pas être à sa place. Vous ne pouvez donc pas la condamner unanimement […] Reconnaissez qu’elle peut être une maladie, une infortune, une chimère, une crânerie, un héroïsme et une vertu.»

Cet atelier qui se veut pluridisciplinaire invite les chercheurs·ses et les enseignant·e·s-chercheurs·ses à réfléchir sur l’imposture et l’imposteur·rice, notamment autour des axes ci-après :

Axe 1- La fabrique de l’imposteur·rice

Il s’agit de mettre en évidence le processus de construction de la figure de l’imposteur·rice dans la littérature.

Axe 2- Les usages et usures de l’imposture

Analyser les pratiques sous-tendant et entretenant l’imposture et le processus de son dépérissement.

Axe 3- Fortune et infortune de l’imposteur·rice

Dénoter que l’imposture est ambivalente, qu’elle peut avoir des implications positives ou négatives chez l’homme du point de vue professionnel, politique, scientifique …

Axe 4- Écriture de l’imposture

Montrer, comment par les procédés d’écriture qu’il emploie, l’écrivain informe l’imposture.

Références bibliographiques

Bauduin Andrée, Psychanalyse de l’imposture, Paris, PUF, 2007.

Boulimié Arlette (dir.), L’imposture dans la littérature, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, 2011.

Chassangre Kevin et Callahan Stacey, Traiter de la dépréciation de soi, Le syndrome de l’imposteur, Dunod, 2015.

Darmon Jean-Charles, Figures de l’imposture. Entre philosophie, littérature et sciences, Paris, Desjonquères, 2013.

Decout Maxime, Pouvoirs de l’imposture, Les éditions de Minuit, 2018.

Du Puy De Clinchamps Philippes, Le snobisme, Paris, coll. « QSJ », Presses Universitaires de France, 1966.

Fantouré Alioum, Le cercle des tropiques, Paris, Présence Africaine, 1972.

Girard René, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1973.

Gori Roland, La Fabrique des imposteurs, Les liens qui libèrent, 2013.

Grunberger Bela et Chasseguet- Smirguel Janine, Freud ou Reich ? Psychanalyse et illusion, Claude Tchou éditeur, 1976.

Lukács Georg, La signification actuelle du réalisme critique, Paris, Gallimard 1978.

Melone Thomas, Chinua Achebe et la tragédie de l’histoire, Paris, Présence Africaine, 1973.

Mosse Claude, Les impostures de l’histoire, Le Rocher, 2021




14 - La littérature autobiographique du XXIe siècle

Amina Cheraiet1

1Université de Western London-Ontario

L’écriture autobiographique connait aujourd’hui une remarquable fécondité. L’attention qu’elle prête au « moi » se manifeste au cours du XXIe siècle à travers une multitude de textes et de récits hétérogènes sur le plan formel. Dans le paysage littéraire contemporain, l'on remarque une dissolution formelle et une forte propension à l’hybridation, à la fragmentation et à la fictionnalisation, qui ne sont pas sans rapport avec l'essor fulgurant, et ce à l'échelle mondiale, du genre de l’« autofiction ». Les écritures autobiographiques françaises et francophones de l’extrême contemporain englobent une panoplie de récits de soi qui témoignent de « la migration de l’autobiographie vers d’autres vecteurs d’expression »[1], comme la bande dessinée, le cinéma et la photographie. Bruno Vercier et Dominique Viart, dans La littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations, ne manquent par ailleurs pas d'observer l’infléchissement de certains de ces écrits vers le « récit de filiation ».

Au tournant du XXIe siècle, plusieurs expressions alternatives au terme d’« autobiographie » ont émergé. Arribert-Narce Fabien mentionne par exemple dans son livre Photobiographies : Pour une écriture de notation de la vie les notions d’« écritures du moi » (Georges Gusdorf), d’ « écrits personnels et de « littérature intimes » (Sébastien Hubier), ainsi que la notion de « life writing » répandue dans le monde anglophone. Selon Jacques Lecarme, cette notion traduit la présence aux États-Unis d’une « idéologie autobiographie »[2]. « Life writing » englobe, précise Arribet-Narce Fabien, « toutes les formes voisines d’« écriture de vie » que sont le récit autobiographique, la biographie, l’autoportrait, l’hagiographie, les mémoires, les lettres, le journal intime, ou encore le témoignage (soit le récit fait par un survivant du drame auquel il a assisté) »[3].

Cet atelier interrogera le mouvement de renouvellement des études autobiographiques depuis le début du XXIe siècle, un moment charnière de l’histoire littéraire dans lequel ce mode du dire, anciennement considéré par les adversaires de Philippe Lejeune comme « un leurre, sur le plan de la connaissance, et une erreur, sur le plan de l’art »[4], devient un genre confirmé et convoité bénéficiant d’une légitimité littéraire et critique. En témoigne la pérennité et le succès des œuvres autobiographiques d’Annie Ernaux et de Camille Laurens et l’émergence, à titre d’exemple, de celles de Leïla Sebbar, Rachid Benzine, Nina Bouraoui, Mohamed Mbougar Sarr, Fatima Daas, Leïla Slimani et Kamel Daoud.

Cet atelier propose d’examiner comment l’espace autobiographique contemporain des deux premières décennies du XXIe siècle se restructure et se redéfinit. Nous suggérons, à titre indicatif, d’appréhender le paysage autobiographique français et francophone à travers les axes suivants :

- La construction et la fabrication des identités narratives;

- Les formes récentes de l’hybridation intersémiotiques des écrits autobiographiques;

- L’autofiction, telle que théorisée par Serge Doubrovsky, comme cadre théorique pour l’analyse des œuvres autobiographiques et les modes de subjectivation modernes;

- L’apport des albums photos et la conception d’une autobiographie illustrée dont les images ne parviennent pas toutes des autobiographes;

- Les autobiographies non fictionnelles qui questionnent l’histoire, la mémoire et les traumatismes des individus et des populations;

- Le concept d’autobiographie collective tel que conçu par les autobiographies illustrées d’images de Leïla Sebbar;

- Les mythologies individuelles telles que conceptualisées par Magali Nachtergael;

- Les photobiographies et les écritures de la notation de la vie, en référence à l’ouvrage de Fabien Arribert-Narce et aux livres de mots et d’images.

L’atelier est ouvert aux chercheurs·ses en littérature qui s’intéressent à l’autobiographie dans son acception contemporaine.


Bibliographie indicative

Amossy, Ruth, Images de soi dans le discours: la construction de l’éthos, Delachaux et Niestlé, 1999, 215p.

Arribert-Narce, Fabien, Photobiographies: pour une écriture de notation de la vie (Roland Barthes, Denis Roche, Annie Ernaux), Honoré Champion, 2014, 407p.

Branche, Raphaëlle, Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? : enquête sur un silence familial, La Découverte, 2020.

Breton, Hervé, L’enquête Narrative En Sciences Humaines et Sociales, Armand Colin, 2022, 475p.

Devésa, Jean-Michel (dir), Littérature du moi, autofiction et hétérographie dans la littérature française et en français du XXe et du XXIe siècles, Presses Universitaires de Bordeaux, 2020, 193p.

Simonet-Tenant, Françoise (dir), Dictionnaire de l’autobiographie: Écritures de soi de langue française, Honoré Champion, 2018, 844p.

Gafaïti, Hafid, Patricia Lorcin, Lorcin, Troyansky, David G., Transnational spaces and identities in the francophone world, 2009, 460p.

Gaulejac, Vincent de, L’histoire en héritage: roman familial et trajectoire sociale, Payot et Rivages, 2012.

Grell, Isabelle, L’autofiction, Armand Colin, 2014, 119p.

Harel, Simon, Le récit de soi, Montréal, XYZ, 1997, 250p.

Hermetet, Anne-Rachel, Jean-Marie Paul (dir.), Écritures Autobiographiques : Entre Confession et Dissimulation, Presses universitaires de Rennes, 2016, 319p.

Lavocat, Françoise, Fait et fiction: pour une frontière, Le Seuil, 2016, 618p.

Ledoux-Beaugrand, Évelyne, Imaginaires de la filiation: héritage et mélancolie dans la littérature contemporaine des femmes, Montréal, XYZ, 2013, 326p.

Lejeune, Philippe, Écrire sa vie: du pacte au patrimoine autobiographique, Éditions du Mauconduit, 2015, 120p.

———, Je est un autre: l’autobiographie, de la littérature aux médias, Le Seuil, 1980, 332p.

———, Le pacte autobiographique, Le Seuil, 1996, 381p.

Letendre, Daniel, Pratiques Du Présent: Le Récit Français Contemporain et La Construction Narrative Du Temps, Presses de l’Université de Montréal, 2018, 274p.

Méaux, Danièle (dir.), Livres de photographies et de mots, Série Lire & voir, Lettres modernes Minard, 2009, 251p.

Michel, Johann, Sociologie Du Soi : Essai d’herméneutique Appliquée, Presses universitaires de Rennes, 2019, 212p.

Miraux, Jean-Philippe, L’autobiographie: écriture de soi et sincérité, Ed. Claude Thomasset, Nathan, 1996, 125p.

Muxel, Anne, Individu et mémoire familiale, Nathan, 1996, 217p.

Nachtergael, Magali, Les Mythologies individuelles: Récit de soi et photographie au 20e siècle, Amsterdam; New York, Rodopi, 2012, 370p.

Ortel, Philippe, Ed., Discours, Images, Dispositif - Penser la représentation tome 2, Champs visuels, L’Harmattan, 2008, 261p.

Parisot, Yolaine, Charline, Pluvinet, Boujou, Emmanuel, Pour Un Récit Transnational : La Fiction Au Défi de l’histoire Immédiate, Presses universitaires de Rennes, 2015, 335p.

Pascale, Marie Huglo et Sarah Rocheville (dir.), Raconter - Les Enjeux de La Voix Narrative Dans Le Récit Contemporain, L’Harmattan, 2004, 183p.

Ricœur, Paul, Soi-même comme un autre, Le Seuil, 1990, 411p.

Ripoll, Hubert, L’oubli pour mémoire: l’héritage des enfants des Pieds-Noirs : une histoire interdite, l’Aube, 2019, 226p.

Ripoll, Ricard, ed., L’écriture fragmentaire : Théories et pratiques, Presses universitaires de Perpignan, 2021, 363p.

Rykner, Arnaud, Ortel, Philippe, Discours, image, dispositif, Centre de recherche La Scène, L’Harmattan, 2008, 263p.

Schaeffer, Jean-Marie, Les Troubles Du Récit : pour une nouvelle approche des processus narratifs, Thierry Marchaisse, 2020, 198p.

———, L’image précaire: du dispositif photographique, Le Seuil, 1987, 217p.

Viart, Dominique, Vercier, Bruno, Franck, Evrard, La littérature française au présent: héritage, modernité, mutations, Bordas, 2005, 511p.

Yona Dureau, Images sources de textes, textes sources d’images, EDP Sciences, 2020, 411p.



15 - Communications libres

Samantha Carron1

1UBC

Cet atelier est ouvert à tous les domaines ayant trait à la langue, aux littératures et aux cultures de toute la francophonie.