Conférences plénières

Conférence plénière de Marie-Hélène Parizeau - Lundi le 2 juin, 13h

« Le technosolutionnisme comme horizon pour la nature ? »

Aménagement du territoire, restauration écologique, développement durable, autant de techniques et de projets modernes qui façonnent les milieux dans lesquels les populations humaines bâtissent et habitent. Cependant, ces modes d’habiter sont de plus en plus inscrits dans une appropriation capitaliste de la nature-environnement, et pris dans un mouvement d’artificialisation de la nature portée par un technosolutionnisme triomphant. Une question éthico-philosophique se pose : n’assistons-nous pas à une absorption du naturel par l’artificiel, ce dernier ayant même la prétention de contrôler les processus environnementaux pour le plus grand bien des humains ? Dans le contexte où plus de la moitié de l’humanité vit en ville, l’exemple des villes intelligentes servira ici d’illustration à ce phénomène où les gens occupent des lieux artificialisés, y vivent sous le mode de la consommation par le numérique, sans pour autant les habiter dans un vivre-ensemble collectif.

Marie-Hélène Parizeau est professeure titulaire à la faculté de philosophie de l’Université Laval et y enseigne la bioéthique, l’éthique de l’environnement, la philosophie de la technique, depuis 1987. De 2003 à 2010, elle a été titulaire de la Chaire de recherche senior du Canada en bioéthique et en éthique de l’environnement. Elle a été présidente de la COMEST (Commission mondiale de l’éthique de la science et de la technologie) de l’UNESCO de 2015 à 2019. Elle a été présidente du Syndicat des professeur(e)s de l’Université Laval de janvier 2024 à mars 2025. Elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs aux Presses de l’Université Laval, dans la collection « Bioéthique critique », dont Les villes intelligentes : le mirage numérique? Perspectives philosophiques avec J. Ang et S. Kash, à paraître en juin 2025.

Crédit photo: Faculté de philosophie de l'Université Laval.

Conférence plénière de Marie-Hélène Parizeau - Lundi le 2 juin, 13h

Conférence plénière de Lissell Quiroz - Mardi le 3 juin, 13h

« Humain/non-humain: la colonialité de la nature »

La théorie décoloniale d'Abya Yala (Amérique dite latine) interroge la domination depuis le prisme de l'analyse du rapport entre humanité et barbarie qu'on a conceptualisé autour de la notion de colonialité de la nature. Une certaine partie de la population de la planète s'est attribué le titre d'humanité en excluant en dominant le reste du monde vivant, infériorisé par sa supposée barbarie et placé au service des dominants. C'est ainsi qu'est née la notion de "nature", dominée par l'Homme et justifiant ainsi l'extractivisme qui l'anéantit. La conférence analysera comment cette notion est non seulement eurocentrée mais aussi contraire à celle des peuples non occidentaux. Dans ces derniers, l'humain et le non-humain forment un tout indissociable et coresponsable l'un de l'autre. Elle analysera également les formes de résistance à cette colonialité et les actions décoloniales des défenseur·ses, notamment des femmes, de l'environnement du continent américain.

Lissell Quiroz est docteure en histoire, professeure d’études latinoaméricaines à CY Cergy Paris Université, membre du laboratoire AGORA et de l’Institut Universitaire de France (promotion 2023-2028). Ses recherches portent sur l’histoire des femmes, des féminismes et de la santé dans les Amériques, entre les 19e et 20e siècles. Son dernier ouvrage s’intitule Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine (La Découverte, 2023). Elle est également co-créatrice du podcast N’Autre Histoire, qui aborde des évènements historiques depuis un point de vue décolonial.

Crédit photo: courtoisie de la conférencière.

Conférence plénière de Lissell Quiroz - Mardi le 3 juin, 13h

Conférence plénière de Jacynthe Tremblay - Mercredi le 4 juin, 13h

« La matière A et la conscience E dans le monde historique M. Concomitance (soku 即, ≡), produit cartésien (M, i.e., A≡E) et chose dialectique (m, i.e., a≡e) dans les explications schématiques de Nishida »

Dans cette conférence, je me livrerai à une analyse approfondie des séries d’« explications schématiques » de Nishida Kitarō (1870-1945) rédigées entre 1935 et 1939. Il en découlera que la matière A (Allgemeines, domaine de l’universel et de l’objectivité, incluant la nature) et la conscience E (Einzelnes, domaine de la chose individuelle et de la subjectivité) ne sont jamais séparées, puisqu’elles forment les deux déterminations d’un même médium M (le monde historique ou le monde dialectique). En ce sens, le médium M consiste dans la concomitance (soku 即, ≡) du domaine de l’objet A et du domaine du sujet E. Nishida formula cette concomitance comme suit : M, i.e. A≡E. De manière strictement symétrique, le soi individuel consiste, à titre de chose dialectique m, dans la concomitance d’un corps a et d’une conscience e, laquelle concomitance est représentée par la formule m, i.e. a≡e. Afin de faire ressortir à quel point l’établissement par Nishida de cette double concomitance (de l’objectivité spatiale et de la subjectivité temporelle d’une part, de même que du corps et de la conscience d’autre part) subit l’influence de la théorie des ensembles, je l’interpréterai en m’inspirant du mathématicien et philosophe Sueki Takehiro (1921-2007).

Jacynthe Tremblay est rattachée à l’Université Nanzan de Nagoya. Spécialiste reconnue de la philosophie de Nishida Kitarō (1870-1945), elle a traduit en français les six livres de cet auteur rédigés entre 1927 et 1935. Elle est également l’autrice de neuf ouvrages dans lesquels elle expose la philosophie de Nishida de manière rigoureuse et détaillée. Trois de ces ouvrages sont des œuvres de création littéraire (l’une sous forme d’autobiographie philosophique, les deux autres sous forme de dialogues) dont le but est de rendre la philosophie de Nishida accessible auprès d’un lectorat général.

Crédit photo: courtoisie de la conférencière.

Conférence plénière de Jacynthe Tremblay - Mercredi le 4 juin, 13h

Samuel Lepine

« Quelle est la place des émotions réactives dans la nature ? »

Si la nature est soumise à un déterminisme strict, qui n’autorise aucune forme de libre-arbitre, alors on pourrait penser que les émotions morales comme la culpabilité, l’indignation, ou encore l’admiration, n’ont aucun sens. En effet, si nos actions sont gouvernées par des lois naturelles, alors nous ne pouvons pas réellement être tenus pour responsables de nos actions en un sens basique, et les émotions morales relatives à notre mérite (ou à notre caractère blâmable) seraient donc vaines. Cette opposition entre le caractère déterministe du monde naturel et les émotions morales a pourtant connu plusieurs remises en question. D’abord avec la réhabilitation des attitudes « réactives » par Strawson (1962), qui soutient que les émotions morales seraient constitutives de la responsabilité morale, indépendamment de la vérité ou de la fausseté du déterminisme. Ensuite avec l’idée de plus en plus répandue, en philosophie des émotions, que les émotions pourraient nous renseigner sur les valeurs (Tappolet, 2016 ; Lepine, 2023), suggérant ainsi que les émotions morales seraient elles aussi susceptibles de contribuer de façon importante à la connaissance morale. Dans cette conférence, j’examinerai de façon critique les réponses que Derk Pereboom (2021) a récemment apporté à ces deux difficultés, en proposant notamment une conception « conversationelle » du blâme. Je soutiendrai qu’il y a des raisons empiriques et normatives de douter de cette proposition. J’examinerai ensuite l’idée que les émotions morales peuvent être conçues sur un modèle analogue à celui des émotions fictionnelles.

Samuel Lepine est maître de conférences en philosophie morale et politique à l'Université Clermont-Auvergne depuis 2018. Ses domaines de recherches principaux sont la philosophie des émotions, ainsi que les questions liées au bonheur et au bien-être. Il s’intéresse aussi, de façon plus sporadique, aux questions liées à la santé et à l’éthique appliquée.

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